Présence?
L'aurore peignait les nuages de rouge et de mauve et la ville se détachait en ombres chinoises. Les maisons, agencées comme des feuilles de laurier sur une couronne, se réveillaient et s'animaient. Les lumières apparaissaient aux fenêtres, les paupières s'ouvraient, les corps glissaient hors des lits; le rasoir et le grille-pain se mettaient en marche, puis les voitures démarraient. Et les robots restèrent seuls, ils vagabondaient gaiement à la recherche de poussière. L'horloge à eau lâchait des gouttes dans les grandes vasques.
Dans le meuble du vestibule, une machine ronronna et fit glisser un journal fraîchement imprimé, qui atterrit délicatement sur le parquet vitrifié. Les robots l'ignorèrent; pourtant, la une avait de quoi interpeller: "Mystérieux phénomènes stellaires". Une image abstraite, composée d'arabesques et d'entrelacs, occupait tout le reste de la page. On aurait dit l'œuvre d'un calligraphe dément, un message mystérieux et superbe dans une langue inconnue.
La journée suivit son cours sans que rien ne vienne troubler la danse des robots. Ils avaient fini par s'emparer du journal et l'avaient déposé sur la table du salon. Le repas fut préparé, tout était en place pour le retour des habitants. La porte s'ouvrit plusieurs fois, elle ne laissa entrer que des courants d'air. Aucune chaussure ne fut abandonnée dans le vestibule, aucun manteau ne fut suspendu au crochet. La maison, baignée par les lumières du couchant, resta silencieuse. À table, les assiettes furent vidées et disparurent. L'eau coula dans la salle de bains, les serviettes ne quittèrent pas l'armoire. Les draps de lit s'ouvrirent délicatement sans qu'aucun poids ne vienne déformer le matelas. Les soupirs et les ronflements des dormeurs ne se firent pas entendre, les lumières restèrent allumées et les volets ouverts.
Aucun son ne provenait de la ville, les voitures ne circulaient pas. Seule l'horloge à eau produisait de petits bruits d'impact, comme de la pluie sur une mare. Les vagues naissaient, s'étalaient en cercles et s'écrasaient contre les parois. La nuit passa sans que les lumières ne s'éteignent. À l'aube, les robots préparèrent le repas et s'activèrent de part et d'autre. Les bols furent avalés, tout comme le jus d'orange. Un grincement se fit peut-être entendre lorsque la porte s'ouvrit.
Encore un vieux texte, quelque peu retouché. Je ne trouve pas le temps d'écrire de quoi alimenter mon site, d'avancer mon roman et de répondre à des appels à texte. Et mon stock s'épuise…